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Ptolemaeus
2 janvier 2009

L'incendie d'une planète - Astronomie

L'incendie de la planète Mars

La planète Mars est demeurée longtemps la candidate idéale à l'existence d'une vie extraterrestre, et même d'une vie intelligente. Dans la seconde moitié du XIXè siècle notamment, la découverte des canaux de Mars alimentera une polémique qui durera plusieurs décennies. En 1924, l'abbé Th. Moreux publie son ouvrage La vie sur Mars, où il décrit l'existence probable d'une vie animale peu évoluée, imaginant quelques batraciens sautillant à la surface de la planète. Dans les années 1970 encore, la sonde Viking, se posant sur Mars, procède à des analyses afin de déterminer si le sol contient des traces de vie bactérienne ; ce sera le coup d'épée final porté au rêve de la vie sur Mars, ces analyses s'avérant négatives.

Nous avons retrouvé un article publié à la fin du XIXè siècle dans le journal La Brie, dont le sujet est un phénomène étonnant observé sur la planète Mars par un astronome. Cette découverte alimenta encore le débat de l'existence de la vie sur cette planète. Nous reproduisons ci-dessous l'article dans son intégralité, à la suite duquel nous émettrons quelques commentaires.

L'INCENDIE D'UNE PLANÈTE

(La Brie - 12è année, n° 1190 - Vendredi 17 août 1894)

Pendant que la Chine et le Japon se font mille politesses en l'honneur de la Corée, pendant que messieurs les anarchistes, à coups de poignard ou de bombes, tentent de renouveler la face du monde, il se passe là-haut, dans ces espaces incommensurables où l'oeil de l'homme ne plonge qu'avec effroi, un phénomène absolument nouveau, inouï... La planète Mars est en feu !

Le 28 juillet dernier, M. Javelle, à l'observatoire de Nice, signalait une sorte de projection lumineuse sur le bord inférieur de Mars. Le Docteur Krueger, chargé du bureau central à Kiel, confirmait la découverte de son confrère et la télégraphiait aussitôt à tous les observatoires du monde entier. Depuis, la tâche lumineuse semble avoir augmenté d'intensité, et les astronomes stupéfaits, se demandent quelle est la cause de cette immense lueur mystérieuse...

De nouveau se pose la troublante question : "Est-ce un signal ?".

Déjà, en 1879, à la suite de la si curieuse découverte du professeur Schiaparelli, de Milan, qui le premier signala sur la surface de la planète la présence de canaux parallèles et réguliers, tout le monde avait crié au miracle. Et comme chacun sait que le climat de Mars est très semblable au nôtre et que les conditions de vie sont à peu près pareilles là-haut et sur la Terre, on se persuada bien vite que la planète était habitée. L'existence des Martiens - on leur donna tout de suite un nom - fut décrétée plutôt par force d'imagination que de raisonnements. De là à prétendre que ces nouveaux frères nous faisaient des signaux, il n'y avait qu'un pas.

Quelques-uns même se dirent : - Pourquoi ne répondrions-nous pas à cet appel si touchant venu de l'infini ? Après tout, nous possédons de merveilleux télescopes. La carte de Mars nous est connue, les astronomes savent par coeur les variations du Lac Moeris et même tous les secrets de Phobos et de Deimos, les deux minuscules satellites qui gravitent lentement autour de la planète comme la Lune tourne autour de la nôtre. Nous connaissons l'atmosphère et la température de Mars, ses mers, ses continents. Nous savons ses brouillards, ses orages, la direction et la force de ses vents. Bien plus, nous pouvons voir fondre la neige sur le flanc des montagnes. Non seulement la force des choses mais leur couleur nous est révélée par nos objectifs ; ignore-t-on que la teinte des mers là-haut est si foncée qu'on dirait une tâche d'encre et que le sol de la planète a une couleur rouge brique très particulière ?

Et, de tous les points du monde, s'éleva une clameur : "Faisons, nous aussi, des signaux."

Un astronome allemand proposa de correspondre avec les Martiens au moyen d'immenses constructions géométriques qui devaient être bâties dans les plaines sibériennes. M. Galton, un Anglais, écrivit au Times une lettre, fort commentée à l'époque, où il offrait de faire établir, dans les deux hémisphères, une série de réflecteurs très puissants destinés à concentrer sur la planète la lumière solaire. Un troisième proposa d'utiliser les phares les plus intenses de nos côtes. Mais l'idée la plus originale fut celle de cet Anglais, M. Haweis, qui demanda aux diverses compagnies qui assure l'éclairage de la ville de Londres d'éteindre, de cinq en cinq minutes, tous les becs de gaz de la capitale. Il voulait ainsi créer des intermittences d'obscurité et de lumière, de façon à éveiller l'attention des Martiens, dans le cas où ceux-ci auraient, au moment précis de l'expérience, braqué leurs prétendus télescopes dans la direction de notre planète !

Enfin, plus récemment, une dame, en mourant, léguait une somme très considérable à l'Académie des sciences de Paris. Ce legs, qui n'a du reste pas encore trouvé sa destination, était réservé à l'audacieux et génial astronome qui pourrait mettre ces bons Martiens en communication avec nous.

Quoi qu'il en soit, que la planète soit habitée ou non, il est évident qu'il s'y passe, depuis plusieurs jours, des phénomènes à la fois inexplicables et terrifiants. Tandis que les uns pensent qu'il s'agit de l'éruption d'un gigantesque volcan, les autres affirment que nous assistons à l'incendie d'une forêt de plusieurs centaines de milliers d'hectares.

Que croire ? Cette immense et vague lueur soudain allumée aux flancs de la planète qui court éperdument à travers les régions sidérales est-elle l'indice d'un de ces effroyables cataclysmes dont notre imagination humaine ne peut concevoir ni la cause, ni même l'horreur ; annonce-t-elle, au contraire, à l'horizon un signal nouveau, l'aurore de je ne sais quelle espérance ? Mystère.

Au surplus, cela ne doit pas être précisément très facile de s'entendre d'une planète à l'autre - surtout si l'une d'elle n'est pas habitée. Et puis, que diable, cinquante-huit millions de kilomètres, ce n'est pas précisément porte à porte...

(Le Figaro) Edouard BONNAFFÉ

Quelques points sont à préciser après la lecture de cet article.

Ce n'est pas Schiaparelli qui découvrit les canaux de Mars, mais l'astronome britannique Dawes (Science et Vie n° 867, décembre 1989, p. 44). En 1864, ce dernier remarqua la présence de longs bras sombres et étroits à la surface de la planète, qui sillonnaient ce que l'on appelait alors les "continents" (par opposition aux zones sombres de Mars que l'on prenait pour des mers). On donna à ces bras le nom de canali, traduit par "canaux" en français. Schiaparelli s'intéressa de très près au sujet et popularisa le terme de canali ; il dressa une carte de Mars et de ses canaux.

L'article donne ensuite des précisions sur l'état des connaissances concernant la planète Mars à la fin du XIXè siècle. Pas besoin de creuser bien loin pour s'apercevoir que ces connaissances sont erronées. Aucune observation de neige au flanc des montagnes n'a été effectuée sur Mars, et pour cause, car si l'eau est présente sur Mars, elle l'est dans le sol formant le pergélisol martien. En fait de neige, les astronomes du XIXè siècle observaient des mouvements de nuages autour de Olympus Mons, le plus haut sommet de Mars ; il s'agissait donc d'une simple erreur d'interprétation des données. Quant à l'atmosphère et aux températures, la première est irrespirable (95 % de CO²) et les secondes se situent en moyenne largement en-dessous de 0° C. Un bon point tout de même : le sol de la planète et sa couleur rouge brique très particulière.

Les extrapolations exagérées autour des canaux de Mars (dont on comprendra par la suite qu'il ne s'agissait que de simples illusions d'optique), excitèrent l'imagination des romanciers puis celle des réalisateurs de cinéma. Dans La Guerre des Mondes (The War of the Worlds), ouvrage paru en 1898, Herbert Georges Wells cite Schiaparelli dès le premier chapitre : "Des hommes comme Schiaparelli observèrent la planète rouge".

Mais le paragraphe suivant est des plus intéressants : "A l'opposition de 1894, une grande lueur fut aperçue sur la partie éclairée du disque, d'abord par l'observatoire de Lick, puis par Perrotin de Nice et d'autres observateurs." Quelques lignes plus loin, on lit : "Comme la planète Mars approchait de l'opposition, Lavelle de Java fit palpiter tout à coup les fils transmetteurs des communications astronomiques, avec l'extraordinaire nouvelle d'une immense explosion de gaz incandescent dans la planète observée."

Ce passage éclaire très nettement la genèse du texte de Wells. L'année 1894, une "grande lueur", Nice... Bien plus que des recherches sur les canaux de Mars, Wells s'inspira de l'observation du professeur Javelle pour amorcer son roman. Il reproduit même le nom de l'astronome niçois en le modifiant quelque peu : Lavelle de Java.

Aucune civilisation évoluée ne s'est jamais développée sur Mars, et même, il ne s'y trouve aucune civilisation du tout. Il faut toutefois saluer l'intelligence du romancier dans ses extrapolations, car la trame de son roman se basait sur la pointe des connaissances de l'époque en ce qui concerne Mars.

Aucune vie, même bactérienne, n'a jamais été observé sur Mars... Aucune trace de vie non plus... Toutefois, même si les espoirs de trouver trace de vie sur cette planète s'amenuisent d'année en année au fil de l'avancée de nos connaissances, la présence d'eau laisse encore une porte ouverte sur cette possibilité. De riches découvertes nous attendent encore et, sans doute, de grandes surprises.

L'avenir est ouvert sur l'exploration martienne.

Antoine Forces - Droits réservés, reproduction interdite

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