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Ptolemaeus
17 janvier 2009

Egouts de Paris - Mondes souterrains

Petite histoire des égouts de Paris

Un vieux et épais dossier d'entrepreneur, datant vraisemblablement de 1931 et comprenant des textes de lois sur la construction et des cours d'urbanisme, est tombé entre nos mains. C'est heureux car ce dossier n'aurait sans doute pas survécu encore très longtemps, et aurait été transformé comme tant d'autres précieux documents, en un petit tas de cendres. Or, ces pages de cours rébarbatifs méritent qu'on s'y attarde car elles contiennent quelques petits trésors, dont le rare document reproduit ci-dessous fait partie.

 

LES ÉGOUTS DE PARIS

Historique

De toutes les villes du monde, c'est actuellement Paris qui possède le réseau d'égouts le plus vaste et le plus approprié aux exigences de l'hygiène. Mais, jusqu'au XIVè siècle, on ne se préoccupa guère de l'assainissement de la capitale.

Les plus abominables ordures s'étalaient au coin de chaque porte malgré les nombreuses ordonnances royales qui avaient prescrit aux habitants de faire transporter les boues et ordures dans certains endroits désignés.

D'autre part, pour se mettre à l'abri des inondations, les habitants de la rive droite de la Seine, avaient exhaussé le sol des berges de telle manière que les eaux pluviales et ménagères ne pouvaient aboutir à la rivière. Ces eaux furent alors dirigées au moyen de fossés vers le ruisseau de Ménilmontant qui descendait des coteaux de même nom, arrivait jusqu'à la Seine en suivant sensiblement le tracé actuel de nos grands boulevards.

egouts

Le curage des fossés et du ruisseau de Ménilmontant n'étant jamais effectué, ceux-ci ne tardèrent pas à s'envaser entravant ainsi l'écoulement rapide des eaux sales qui restaient stagnantes, dégageant dans toute la ville des odeurs nauséabondes.

Hugues Aubriot, prévôt des marchands sous le règne de Charles V eût l'idée fort heureuse de faire voûter la grande rigole qui suivait la direction de la rue Montmartre actuelle et allait se déverser dans le ruisseau de Ménilmontant. Ce travail ne fut pas continué et les immondices de toutes sortes étaient déversées dans de vastes réservoirs appelés "trous" d'où se dégageait une odeur infecte qui se répandait au loin.

Cet état de chose resta sans changement jusqu'en 1605 époque à laquelle un autre prévôt, François Miron fit voûter l'égout dit "du Ponceau" depuis la rue Saint-Denis jusqu'à la rue Saint-Martin.

Sur la rive gauche, les eaux avaient comme exutoire la rivière de Bièvre, les fossés Saint-Bernard et Saint-Vict(or ? - partie effacée) ainsi que les fossés de la ville.

En 1663, Paris comptait 10600 m. d'égouts, 2500 étaient voûtés et tout le reste coulait à ciel ouvert. L'ancien lit du ruisseau de Ménilmontant devenu le grand égout découvert et qui prit plus tard le nom de grand égout de ceinture, formait autour de la rive droite entre les Filles du Calvaire et Chaillot une ceinture empestée, aux environs de laquelle nul n'osait construire.

Sa réfection complète fut ordonnée en 1721 mais faute d'argent le projet fut abandonné et repris seulement en 1737. Toutefois, par crainte d'épidémie, on renonça à curer le grand égout, son lit fut cédé aux propriétaires riverains et le prix qu'on en retira servit à payer la partie du terrain nécessaire pour créer un nouveau canal de 6 pieds de large, et pavé au moyen d'énormes dalles en pierre.

Enfin, un vaste réservoir fut créé à l'origine de l'égout en face la rue des Filles du Calvaire. Alimenté par les eaux descendant de Belleville, il pouvait contenir 10000 m3 qui subitement lâchés dans le canal en opéraient le lavage. L'ensemble de ces travaux était terminé en 1740.

En 1789, la longueur totale des égouts voûtés était de 26000 m.

Du fait du développement du pavage des rues, les eaux de pluie qui auparavant s'infiltraient dans le sol ou se perdaient dans les anciennes carrières étaient dirigées vers le grand égout. Il en résultait que lors des pluies violentes cet ouvrage se refusait à absorber le volume des eaux qui y affluaient de tous côtés de sorte que celles-ci restaient quelquefois plusieurs jours stagnantes sur le pavé des rues adjacentes.

C'est alors que l'on résolut de construire de nouveaux égouts pour conduire les eaux vers la Seine.

En 1824, la longueur des égouts était de 37000 m.

En 1830 elle atteignait 40000 m.

De 1832 à 1836 la longueur des égouts s'augmenta annuellement de 8 kilomètres.

De 1836 à 1848 les travaux de construction d'égouts marchèrent avec rapidité. Ils furent ralentis par les évènements de 1848 mais reprirent vers 1851. Pendant cette période on songea à utiliser les égouts pour y placer les conduites d'eau, mais en raison des dépenses auxquelles cette innovation donnerait lieu pour le logement des grosses conduites, la mesure ne fut pas admise immédiatement.

En 1851, le type d'égout ovoïde dont l'emploi s'est généralisé fut importé d'Angleterre. Ce fut à cette époque que l'on construisit le premier collecteur à cunette sous la rue de Rivoli.

Au 1er janvier 1860 le développement total des égouts était de 228 kilomètres.

Pour débarrasser entièrement la Seine, dans l'intérieur de Paris, de toute contamination par le déversement des eaux résiduaires, Belgrand proposa d'éloigner les débouchés du réseau vers l'aval, d'une part jusqu'à Saint-Denis et d'autre part, jusqu'en face d'Asnières. En chacun de ces points, vinrent aboutir deux grandes artères : le collecteur Nord et le collecteur d'Asnières.

Peu après Belgrand amenait aussi vers Asnières toutes les eaux de la rive gauche et de la rivière de Bièvre au moyen d'une grande artère qui, partant du Boulevard Saint-Michel et le pont de l'Alma à l'amont duquel elle franchissait la Seine en siphon pour se continuer ensuite en souterrain sous le coteau de l'Etoile par le collecteur Marceau.

A ces grandes artères, Belgrand souda des rameaux d'une importance moindre et on construisit annuellement 35 Km d'égouts secondaires jusqu'en 1870 tout au moins, car après la guerre et jusqu'en 1878, date de la mort de Belgrand, cette longueur ne fut plus annuellement que de 25 Km.

En 1878, la longueur des égouts étaient de 600 Km. A la fin de 1889 elle était portée à 898 Km.

C'est à cette époque qu'une amélioration sérieuse fut apportée au mode de cuvage (erreur de frappe dans le document ; lire "curage") des petites galeries. Jusqu'en 1881 dans un certain nombre d'égouts sans pente ou chargeant beaucoup en sable ou immondices, on créait, en certains points, une réserve d'eau maintenue par un barrage que l'on enlevait brusquement à un moment donné, provoquant ainsi une chasse puissante. Il en résultait de nombreux inconvénients : danger de l'opération, arrêt de la circulation dans les égouts noyés, chances d'inondations des caves, etc... Pour obvier à ces inconvénients, l'Administration substitua à ces bâches d'eau sale des réservoirs d'eau propre placés au point haut de l'égout. Ces appareils pourvus d'un appareil de chasse qui se vide plusieurs fois dans les vingt quatre heures, assure le curage des égouts desservis.

A la fin de 1889, 892 réservoirs fonctionnaient.

A la fin de 1897, la longueur des égouts était de 1029 Kms 593. Le nombre des réservoirs de chasse était de 3126.

En 1913 il était de 4854.

Au 1er janvier 1931, la longueur totale des égouts en service non compris celle des branchements de bouches, de regards et particuliers est de 1297 Km. 670 se décomposant comme suit :

                                                          Égouts collecteurs : 108 Km. 830

                                                          Égouts ordinaires : 1188 Km. 840

Les différents ouvrages accessoires atteignent les nombres suivants :

                                                          Regards : 22700

                                                          Bouches : 14651

                                                          Branchements particuliers : 58370

et la longueur totale des galeries correspondantes est de 484 Km. 365.

Le réseau complet a donc une longueur totale de 1782 Km. 035.

Comme nous l'avons vu précédemment, la construction des collecteurs, entreprise par Belgrand, avait bien permis l'assainissement de la Seine dans la traversée de Paris, mais le mal n'était que déplacé, car leur déversement dans la rivière au Pont d'Asnières et à Saint-Denis, altérait le cours de celle-ci en aval jusqu'à Mantes. Aussi les plaintes des riverains d'aval devinrent-elles fort vives et il apparut nécessaire de protéger la santé publique en purifiant les eaux usées avant leur déversement dans la rivière.

Le problème fut mis à l'étude dès 1864 et on adopta le procédé de l'épuration par le sol avec utilisation agricole.

Les eaux des collecteurs sont reçues dans une usine construite sur les bords de la Seine à Clichy, où elles sont aspirées par de puissantes pompes et refoulées ensuite vers d'autres usines de relèvement qui en assure l'envoi sur les terrains d'alluvions anciennes de la vallée de la Seine dans les régions de Gennevilliers, d'Achères et de Carrières-Triel où elles apportent eau d'arrosage et engrais.

Après filtration à travers le sol, elles sont recueillies par un réseau de drains à ciel ouvert ou en tuyaux qui en assurent l'évacuation vers la Seine ou l'Oise.

Tel est, résumé très brièvement, l'historique des égouts de Paris.

IMG_1385

Même "résumé très brièvement", ce document apporte bon nombre d'informations concernant l'urbanisation et la mise en hygiène de la capitale française au cours des siècles. Les deux plans reproduits, bien que faisant partie du même dossier, ne sont pas en rapport avec l'historique mais représentent des exemples de construction d'égouts dans les années 1930, à l'époque de la publication du document.

A suivre dans nos colonnes, la description du réseau et son histoire en 1931...

Edit du 18 avril 2010 : Suite à la parution des articles concernant les égouts de Paris, Ptolemaeus a été cité sur le blogue de l'association Action Barbès dans une note sur le collecteur des Coteaux.

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